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Contrat de travail

La seule mention du lieu de travail dans le contrat de travail ne bloque pas la mobilité dans le même secteur géographique

La simple mention du lieu de travail dans le contrat de travail vaut information. Le salarié ne peut donc pas refuser de travailler ailleurs, dans le même secteur géographique, sauf s’il est précisé qu'il doit exécuter son travail exclusivement dans ce lieu.

Une salariée conteste son affectation sur un autre site non mentionné dans son contrat de travail

Le 24 novembre 2005, une entreprise exerçant une activité de nettoyage industriel avait engagé une salariée en qualité d'agent de service.

Le 1er janvier 2022, le contrat de travail de cette salariée a été transféré à un autre employeur.

Par un avenant du 2 janvier 2022, les parties sont convenues d'une modification de la durée hebdomadaire de travail, le lieu de travail indiqué demeurant le même.

Mais, la salariée ayant refusé les avenants ultérieurs l'affectant sur d'autres sites, l'employeur a cessé de lui verser son salaire.

La salariée a alors saisi le juge prud’homal en référé d’une demande en rappel de salaires en soutenant que la mention d’un certain lieu de travail dans son contrat ne permettait pas à son employeur de la faire travailler ailleurs sans son accord.

Elle avait obtenu gain de cause devant la cour d’appel, l’employeur avait été condamné à des rappels provisionnels de salaires et à la remise des bulletins de salaire.

Mais le lieu de travail était-il ou non contractualisé dans cette affaire ?

La mention du lieu de travail constitue une simple information sauf s’il est précisé qu’il s’agit d’un lieu de travail exclusif

Le lieu de travail fait partie des informations qui doivent être portées à la connaissance du salarié dans son contrat de travail.

Pour autant, cette mention ne contractualise pas automatiquement le lieu de travail du salarié.

Comme le rappelle la Cour de cassation, dans cette décision du 22 octobre 2025, il s’agit, en réalité, d’une simple information, à moins qu’il ne soit stipulé par une clause claire et précise que le salarié exécute son travail exclusivement dans ce lieu.

Ce n’est d’ailleurs pas la première fois que la Cour de cassation se prononce en ce sens (cass. soc. 21 janvier 2004, n° 02-12712, BC V n° 26).

Sans indication précise, l’employeur peut modifier le lieu de travail en restant dans la même zone géographique

La manière dont le contrat de travail est rédigé sur la question du lieu de travail est importante car :

-si la rédaction est uniquement faite sur un mode « informatif », le changement du lieu de travail par l’employeur constituera alors un simple changement des conditions de travail ne nécessitant pas l’accord du salarié, à condition toutefois que le nouveau lieu de travail reste dans la même zone géographique ;

-si la clause précise qu’il s’agit du lieu de travail exclusif du salarié, alors tout changement sera vu comme une modification du contrat de travail qui ne pourra se faire qu’avec l’accord du salarié.

Pour rappel, plusieurs critères peuvent être retenus pour déterminer si le nouveau lieu de travail est dans le même secteur géographique que le précédent : la distance séparant les deux secteurs géographiques de l’ancien et du nouveau lieu de travail, l’existence ou non d’un bassin d’emploi homogène, etc.

L’état de développement des transports en commun, le covoiturage, la fatigue, les frais financiers générés par l'usage du véhicule personnel pour rejoindre le nouveau lieu de travail peuvent aussi être pris en compte (cass. soc. 15 juin 2004, n° 01-44707 D ; cass. soc. 27 septembre 2006, n° 04-47005 D ; cass. soc. 24 janvier 2024, n° 22-19752 D).

À noter : lorsque le salarié est un salarié protégé, toute modification, même une modification des conditions de travail, implique son accord.

Le lieu de travail n’était pas contractualisé

Dans cette affaire, pour dire que le lieu de travail de la salariée était celui contractuellement prévu, les juges du fond ont uniquement constaté que le lieu de travail renseigné dans l'avenant signé par les parties était une certaine localité.

La Cour de cassation ne s’en satisfait pas, faute pour les juges d’avoir relevé que le contrat de travail stipulait bien que la salariée exercerait ses fonctions exclusivement dans le lieu qu'il mentionnait.

L’affaire est donc renvoyée devant la même cour d’appel autrement composée qui devra se pencher sur les modalités rédactionnelles du contrat de travail et de ses avenants en cause.

Cass. soc. 22 octobre 2025, n° 23-21593 D